Ressource de Connaissances

Malariologie

Par Eustache Muteba, réflexion des réflexions, Avril 2022

Introduction

Le paludisme sévit actuellement dans la ceinture dite de la pauvreté du globe terrestre. En effet, il se rencontre dans tout le monde intertropical: l'Asie du sud est, l'Amérique du sud, au Moyen orient et l'Afrique subsaharienne (Figure 1).

Le paludisme est endémique dans quelques 90 pays d’Afrique, d’Asie, d’Océanie, d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, ainsi que dans l’île d’Haïti. On estime à des centaines de millions le nombre annuel de cas. Et, ce malgré la diminution de l’impact du paludisme dans les pays endémiques, pendant ces dernières années, par les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), le taux de mortalité reste toujours élevé. Par ses répercussions socio-économiques, le paludisme est la plus importante des maladies parasitaires transmissibles.

Ainsi, la résistance des parasites aux anti-paludiques et la résistance des moustiques (anophèles) aux insecticides constituent un grand défi dans la lutte pour l’élimination du paludisme.

Par ailleurs, l’artémisinine et ses dérivés sont les antipaludiques phares pour traiter efficacement le paludisme. Cependant, ces médicaments récemment découverts commencent à perdre leur efficacité du fait de l’émergence de la résistance apparue dans le continent Asiatique, et une propagation de cette résistance est à craindre dans le continent Africain, comme cela s’était produit pour la résistance aux anciens antipaludiques (amino-4-quinoléines).

Il va donc sans dire que la recherche sur le diagnostic et de nouvelles cibles thérapeutiques, basée sur une connaissance plus approfondie des mécanismes moléculaires de la vie du parasite, est une nécessité permanente, pour lutter efficacement contre cette maladie.


Figure 1 : Répartition géographique du paludisme

2.3.1. Chez le moustique : hôte définitif

Lors de la prise du repas sanguin chez une personne infectée, l’anophèle aspire éventuellement les gamétocytes. Le gamète mâle et le gamète femelle fusionnent en un oeuf libre dans l’estomac du moustique, mobile, dénommé ookinète. Cet ookinète quitte la lumière du tube digestif et se fixe ensuite à la paroi externe de l’estomac et se transforme en oocyste. Les cellules parasitaires se multiplient à l’intérieur de cet oocyste, et produisent des centaines de sporozoїtes qui migrent ensuite vers les glandes salivaires du moustique.

Ces sporozoїtes sont les formes infectantes dans la salive du moustique, prêtes à être inoculées lors d’un nouveau repas sanguin sur un hôte vertébré.

La durée du développement sporogonique des Plasmodium varie en fonction des conditions climatiques.

Les formes sexuées du parasite (gamétocytes) peuvent apparaître au décours d’une crise de paludisme ou après le traitement. Ces formes ne sont pas pathogènes mais sont reprises par le moustique lors d’une piqûre, et sont responsables de la transmission et du maintien du cycle de vie du parasite.

2.3.2. Chez L’homme : hôte intermédiaire

Chez l’homme le cycle est divisé en deux phases : une phase hépatique (exo-érythrocytaire) correspondant à une période d’incubation cliniquement asymptomatique et une phase sanguine (érythrocytaire), la phase symptomatique.
a. Phase d’incubation : Schizogonie pré-érythrocytaire
La transmission du paludisme se fait par inoculation d’une forme parasitaire (sporozoïte) par l’anophèle femelle infesté lors de son repas de sang. Après une courte durée dans le sang, certains sporozoïtes parviennent à gagner le foie et à se multiplier dans les cellules hépatiques. Après multiplication, les parasites se transforment en schizontes pré-érythrocytaires (formes multinucléées). Après quelques jours de maturation, les cellules hépatiques vont éclater et libérer des milliers de mérozoїtes uninucléés dans le sang (10 000 à 30 000 mérozoїtes). Pour P. vivax et P. ovale, certains parasites restent en phase dormante dans le foie (hypnozoїtes) et sont responsables d’une schizogonie hépatique retardée qui va entraîner une libération des mérozoїtes plusieurs semaines, mois ou années plus tard après l’infection. Les hypnozoïtes sont à l’origine des reviviscences tardives observées.

b. Phase d’invasion : Schizogonie érythrocytaire
Très rapidement, les mérozoïtes libérés dans la circulation sanguine pénètrent dans les globules rouges par l’interaction ligand-récepteur. Le cycle érythrocytaire se caractérise par une schizogonie, qui permet le passage du stade ring en trophozoїte (forme en anneau), puis en schizonte (division nucléaire et la formation de plusieurs noyaux). Durant la phase de la croissance intraérythrocytaire, le parasite consomme l’hémoglobine de l’hôte et modifie la membrane cellulaire du globule rouge pour créer des passages d’importation des nutriments.

Le schizonte, une fois mature, entraîne l’éclatement des hématies et la libération de 8 à 32 nouveaux mérozoїtes.

Ces mérozoїtes vont envahir de nouveaux globules rouges et un nouveau cycle de schizogonie ainsi se poursuit en boucle.

C’est la phase symptomatique de la maladie, la parasitémie s’élève, la personne atteinte devient fébrile, c’est l’accès palustre. On observe un syndrome pseudo grippal avec une fièvre continue, au début accompagnée de myalgies, céphalées, courbatures. Quand la densité parasitaire atteint environ 50 parasites/μL dans le sang (environ 100 millions de parasites dans le sang d’une personne adulte), les parasites peuvent être détectés soit par lecture microscopique ou par le test de diagnostic rapide. En absence de traitement, tous les parasites vont évoluer progressivement au même rythme, tous les schizontes érythrocytaires arrivent à maturation au même moment, entraînant ainsi la destruction d’un grand nombre de globules rouges de manière périodique (cycle synchrone), toutes les 24 heures (fièvre quotidienne pour P. knowlesi), 48 heures (fièvre tierce pour P. falciparum, P. vivax ou P. ovale) ou toutes les 72 heures (fièvre quarte de P. malariae). Cette phase érythrocytaire est la principale cible des antipaludiques.

Après quelques cycles érythrocytaires, certains trophozoїtes subissent une maturation d’une dizaine de jours, sans division nucléaire, accompagnée d’une différenciation sexuée.

Ainsi, se forment les gamétocytes à potentiel mâle ou femelle, qui vont rester en circulation dans le sang pendant 10 à 15 jours. L’hôte devient un réservoir d’infestation pour les moustiques, de sorte que le cycle de transmission est ainsi bouclé.

3. Diagnostic du Paludisme

3.1. Diagnostic Clinique

Le diagnostic clinique au départ est présomptif. Il consiste à rechercher chez le patient, la présence d'un accès fébrile. Est considéré comme cas du paludisme, tout sujet présentant une fièvre lors de la consultation ou une histoire de fièvre depuis 48 heures. Est considéré comme fièvre, toute température axillaire égale ou supérieure à 37.5 °C ou chaude au toucher. Cependant, l’absence de fièvre n’exclut pas le paludisme.

3.1.1. Classification Clinique des Cas

3.1.1.1. Paludisme Simple

Est défini comme paludisme simple tout cas de fièvre sans signes de danger ou complication

3.1.1.2. Echec Thérapeutique

Tous cas de persistance de la fièvre 72 heures, sans association des signes d’autres infections après l’administration correcte de anti-paludismes. La confirmation de l’échec thérapeutique se fait par une goutte épaisse ou un frottis sanguin positif.

3.1.1.3. Paludisme Grave

Tout cas de fièvre avec un ou plusieurs des signes de danger ou de complication suivants:
- incapacité de prendre le médicament par voie orale;
- vomissements à répétition;
- incapacité de boire;
- la difficulté de parler, s’asseoir, se tenir debout ou marcher;
- le saignement au niveau des gencives, du nez ou de la peau;
- l’élimination d’urines en petite quantité et de couleur noire;
- le changement de comportement, la confusion ou la fatigue;
- la perte de conscience ou le coma;
- les convulsions;
- la jaunisse et/ou la pâleur;
- la respiration anormale ou inhabituelle;
- les extrémités froides.

3.2. Diagnostic Biologique

Le diagnostic de certitude du paludisme doit être basé sur les tests biologiques. Le diagnostic biologique peut s'effectuer par examen microscopique (goutte épaisse et frottis sanguin) ou au moyen de tests immunologique ou de biologie moléculaire.

3.2.1. Diagnostic Direct

3.2.1.1. Examen Microscopique

L’examen microscopique passe par les étapes suivantes :
- Préparation du Matériel,
- Prélèvement du sang et confection des gouttes épaisses,
- Préparation et colorations des lames,
- Déroulement de l’examen.

Le déroulement de l’examen proprement dite exige ce qui suit.

De préférence, mettre au point d’abord avec l’objectif 10 x pour passer à l’objectif 100x (immersion).

Avant de dire qu’une goutte épaisse est négative, il faudrait l’examiner sur 100 champs au moins.

Une numérotation des parasites offre une mesure (imparfaite) de la gravité de l’infection. On compte seulement les trophozoites.

Mais si des gamétocytes sont présents, les signaler.

Numérotation de parasites :
+ : 1 – 10 trophozoites par 100 champs,
++ : 11 - 100 trophozoites par 100 champs,
+++ : 1 – 10 trophozoites par champ,
++++ : > 10 trophozoites par champ.


Figure 5: Prélèvement GE

Figure 6: Examen au microscope

3.2.1.2. QBC (Quantitative Buffy Coat)

C'est une technique de concentration. Son principe est basé sur une centrifugation du sang et le fait, que l'acridine orange colore les cellules contenant de l'acide nucléique. Il n'est pas spécifique au plasmodium.

3.2.1.3. PCR (Polymerase Chain Reaction)

Il s'agit d'une technique d'amplification génique qui permet de repérer un fragment d'ADN ou de gène précis et de le multiplier rapidement. Cette technique est très sensible (peut détecter 1parasite/ul.) mais son coût très élevé et son délai d'exécution limitent son utilisation dans la pratique de routine.

4. Traitement du Paludisme

4.1. Règles et Buts généraux du traitement

Il est fondamental de rappeler la règle d’or en matière de paludisme.
Elle stipule que toute prescription de médicament antimalarique doit obligatoirement être précédée d’un prélèvement sanguin, goutte épaisse ou frottis, afin de rechercher l’hématozoaire.
Le but essentiel de la thérapeutique du paludisme est la destruction des formes érithrocytaires du parasite et fait appel aux schizontocides (quinine et amino 4 quinoléine essentiellement).
La réponse à la thérapeutique dépend :
- des médicaments utilisés (schizontocide d’action directe et rapide ou d’action indirecte et lente),
- de leur posologie et de la voie d’administration,
- de l’hématozoaire en cause et de la sensibilité de cet hématozoaire vis-à-vis du schizontocide choisi,
- de l’état clinique et immunologique du sujet au moment de la mise en route de la thérapeutique.

4.2. Classification générale des antipaludiques

La classification général des antipaludiques se centre sur quatre critères suivants:
- Le point d'impact: on a les schizonticides et les gamétocides.
- L'origine du principe actif: naturelle ou synthétique.
- La caractéristique de l'action: rapide ou lente.
- La famille chimique Tableau 3.

Tableau 3 : Classification chimique
Classe Médicament
4-Aminoquinoléines Chloroquine
Arylaminoalcools Quinidine
Quinine
Méfloquine
Phénanthrylcarbinols Halofantrine
Artémisinine et ses dérivés Artémisinine
Artéméther
Artésunate
Antimétabolites Proguanil
pyriméthamine
Sulfadoxine
Sulfalène Dapsone
8-Aminoquinoléines Primaquine

4.3. Classification Physiopathologique

Les médicaments, amino 4 quinoléines, dont l’action essentielle est la destruction des schizontes et des corps en rosace, seules formes responsables des manifestations cliniques de la maladie, forment le groupe des schizontocides. Les amino 8 quinoléines, actifs sur les formes exoérythrocytaires et sur les gamétocytes, constituent le groupe des gamétocytocides.

4.3.1. Schizontocides

a) Médicaments schizontocides à action directe
Ils agissent sur le noyau de l’hématozoaire, au niveau de l’acide désoxyribonucléique, par inhibition de la réplication, arrêtant ainsi la schizogonie. L’absorption de ces médicaments, particulièrement rapide à travers la muqueuse digestive, les faits utiliser en thérapeutique d’urgence, d’autant que les résistances susceptibles de se développer ne s’extériorisent que très lentement.

b) Médicaments schizontocides à action indirecte
Ils empêchent la transformation de l’acide para-amino-benzoïque en métabolite indispensable à la croissance du parasite intraglobulaire. Le mécanisme d’action de ces substances explique leur effet retard et leur intérêt moindre en médecine d’urgence. En pratique, il faut associer en antifolique et un antifolinique afin de réduire les possibilités de résistance et d’accroître la rapidité de action.

4.3.2. Gamétocytocides

Cet ensemble médicamenteux n’est pas de premier plan et les gamétocytocides ne sont pas utilisés dans le traitement des manisfestations cliniques du paludisme. Ce sont des amino 8 quinoléines agissant sur les gamétocytes, empêchant la transmission de l’espèce plasmodiale au moustique par rupture du cycle sporogonique. Ils permettent d’éviter les rechutes lorsqu’un sujet est soustrait à de nouveaux apports plasmodiaux, en agissant sur les formes pré érythocytaires. En somme, ces médicaments peuvent être employés pour arrêter la maturation des gamétocytes. Ils peuvent aussi être emplyés « chez le rapatrié » pour réaliser un traitement réellement « curatif » du paludisme. Dans une certaine mesure, ils préviennent les accès de reviviscence schizongonique observés avec Plasmodium vivax, ovale et malariae.

4.4. Types de traitements

4.4.1. Traitement du paludisme d’invasion et de l’accès palustre simple

Quel que soit l’hématozoaire en cause, la thérapeutique doit être considérée comme identique. Lorsqu’il s’agit de Plasmodium vivax, malariae ou ovale, il n’existe pas généralement de chimiorésistance aux amino 4 quinoléines et aucune perniciosité n’est à redouter. Par contre, lorsque Plasmodium falciparum est cause, la perniciosité est toujours possible.

4.4.2. Traitement du paludisme viscéral évolutif

Le paludisme viscéral évolutif est une forme clinique progressivement constituée, due à la répétition d’accès palustres non traités. Cet état s’accompagne d’une atteinte profonde de l’état général objectivée par une anémie, des oedèmes et une splénomégalie. Il est donc nécessaire d’associer, à une thérapeutique schizontocide, une thérapeutique symptomatique.

4.4.3. Traitement de l’accès pernicieux palustre

La perniciosité palustre est la forme grave du paludisme d’évolution spontanément mortelle, impliquant une thérapeutique d’extrême urgence.

Les buts de la thérapeutique seront :
- arréter la schizogonie de Plasmodium falciparum,
- traiter les éléments de la perniciosité,
- maintenir les grandes fonctions de l’organisme.

4.4.4. Traitement de la fièvre bilieuse hémoglobinurique

Cette affection, très rarement rencontrée, est secondaire à une hémolyse massive intravasculaire d’origine immunologique, entraînant une défaillance circulatoire et une insuffisance rénale aiguë.

Classiquement, elle se rencontre chez un sujet ayant de nombreux accès palustres non traités à Plasmodium falciparum.

Au tou début, avant la constitution de l’insuffisance rénale aiguë, le traitement est étiologique visant à détruire les hématozoaires, et ensuite symptomatique consistant à lutter contre le choc et le collapsus par le remplissage vasculaire et l’utilisation des corticoïdes.

Lorsque l’insuffisance rénale est constitué, il peut être nécessaire de faire appel à l’épuration extra-rénale : dialyse péritonéale ou hémodialyse.

4.4.5. Traitement du paludisme chez la femme enceinte gestante

L’état de grossesse ne modifie pas fondamentalement la thérapeutique du paludisme. Cet état contre-indique la pyriméthamine, les sulfamides et les sulfones et justifie l’utilisation exclusive des schizontocides d’action directe et essentiellement les amino 4 quinoléines. Une prévention antipaludique efficace permet de réduire sensiblement l’incidence des mortinaissances, des décès de nouveau-nés et des cas de faible poids de naissance chez les enfants de primigestes habitant une région d’endémie.

4.5. Chimioprophylaxie

L’immunité acquise constitue la meilleure protection pour les résidents des zones d’endémie. Les schémas chimioprophylactiques applicables à ceux qui se rendent pour un court séjour dans une zone d’endémie sont constamment surveillés par l’Organisation mondiale de la Santé.

Il n’existe aucun schéma médicamenteux accessible à tous qui assure une protection absolue; l’utilisation intempestive des antipaludéens existants accroît inutilement le risque d’apparition de nouvelles résistances.

Le traitement prophylactique devra être poursuivi pendant au moins 4 semaines après le dernier risque d’exposition.

4.6. Efficacité des médicaments antipaludiques et pharmacorésistance

Le suivi de l’efficacité des antipaludiques est un élément essentiel de la lutte contre le paludisme.

4.6.1. Efficacité des médicaments antipaludiques

Les études d’efficacité thérapeutique sont des évaluations prospectives des réponses cliniques et parasitologiques au traitement du paludisme sans complications en observation directe. L’OMS a mis au point un protocole standard pour suivre l’efficacité thérapeutique ainsi que des outils d’analyse des résultats des études. Le recours à ces procédures normalisées facilitent la comparaison, dans la durée, des résultats entre les régions et à l’intérieur de celles-ci.

4.6.2. Résistance aux médicaments antipaludiques

À ce jour, la résistance du parasite a été observée chez 3 des 5 espèces de plasmodies connues pour parasiter l’homme: P. falciparum, P. vivax et P. malariae. La résistance des parasites entraîne une élimination tardive ou incomplète des parasites dans le sang du patient lorsque la personne est traitée par un antipaludique.

Le problème de la résistance aux médicaments antipaludiques se complique d’une résistance croisée, à savoir que la résistance à un médicament rend le parasite résistant à d’autres médicaments de la même famille chimique ou ayant un mode d’action comparable.

La résistance aux médicaments antipaludiques et les échecs thérapeutiques peuvent se définir de la manière suivante:
- la résistance aux antipaludiques se définit comme la capacité d’une souche parasitaire à survivre et/ou à se multiplier malgré l’administration et l’absorption d’un médicament donné en doses égales ou supérieures à celles habituellement recommandées mais qui restent dans les limites de tolérance du sujet;
- la multirésistance implique une résistance à plus de 2 composés antipaludiques actuellement en usage et appartenant à des classes chimiques différentes;
- l’échec thérapeutique se définit comme une incapacité à éliminer les parasites du sang du patient ou à prévenir leur recrudescence après l’administration d’un antipaludique. De nombreux facteurs contribuent à l’échec thérapeutique, notamment une posologie inadéquate, une mauvaise observance du traitement par le patient, la mauvaise qualité des médicaments, les interactions médicamenteuses ainsi que la résistance aux médicaments.

4.7. Vaccins Anti-paludiques

4.7.1. Principes de la vaccination contre le paludisme

Les parasites du paludisme subissent un développement cyclique au cours duquel ils doivent passer par certaines phases chez l'hôte invertébré (par exemple, fécondation et sporogonie chez les moustiques anophèles) et par d'autres chez l'hôte vertébré (par exemple, schizogonie exoérythrocytaire, schizogonie sanguine et gamétocytogenèse).

Compte tenu des nombreux stades de développement différents des plasmodies, plusieurs possibilités s'offrent pour les vaccins antipaludiques.

Des vaccins dirigés contre les sporozoites préviendraient l'infection de l'hôte vertébré, mais pour être utiles ils devraient conférer une immunité pleinement efficace et stérilisante, car le développement d'un unique sporozoite en schizonte tissulaire suffirait pour que le paludisme s'installe chez l'hôte.

Les vaccins dirigés contre les mérozoites empêcheraient ces derniers d'infecter les érythrocytes et s'opposeraient donc à la production des formes parasitaires responsables des manifestations cliniques de la maladie.

Les vaccins dirigés contre les gamètes ne seraient pas protecteurs pour l'hôte vertébré, car ces formes ne sont pas associées à la pathogénicité et, normalement, ne se rencontrent pas chez le vertébré. Un tel vaccin inactiverait les gamètes males qui sont formes à partir des gamétocytes males introduits dans l'intestin du moustique au cours du repas sanguin. En rendant la fécondation impossible, cela empêcherait l'infection du moustique et par la production de sporozoites. Les vaccins anti-gamètes réduiraient la transmission du paludisme et seraient donc un instrument précieux en santé publique.

Tous les vaccins mentionnes ci-dessus ont donc des indications spécifiques pour la lutte antipaludique, mais on peut concevoir que des situations épidémiologiques particulières exigent l'administration d'une association de vaccins.

4.7.2. Complexité du Plasmodium

Pourquoi n'y a-t-il pas encore de vaccin ?

La raison en est simple : une approche strictement rationnelle est pratiquement impossible car elle demande de résoudre une équation comportant un trop grand nombre d'inconnues, et l'approche empirique, qui fut à l'origine de nombreux vaccins contre d'autres micro-organismes, se heurte ici à l'absence de modèle expérimental représentatif de la relation Homme-Plasmodium.

Un parasite vraiment complexe

Le génome des Plasmodium est environ 250 à 500 fois plus grand que celui des virus et apparemment au moins aussi polymorphe que celui des virus les plus polymorphes comme la grippe ou le VIH.

La combinatoire obtenue par le très grand nombre et le polymorphisme extrême de la plupart des antigènes du parasite, et par les diverses réponses immunes que chacun peut engendrer d'une façon qui évolue dans le temps, constitue au total un système multifactoriel pratiquement inaccessible à une approche systématique.

Si l'on ajoute le degré de complexité supérieur dû à l'hétérogénéité génétique des populations parasitaires (qui apparaissent encore plus complexes que les plus pessimistes n'imaginaient) et humaines, on comprend mieux que pour certains l'empirisme, allié à une solide part de chance, ait pu représenter la seule planche de salut.

Des contraintes techniques multiples

Un point essentiel à la compréhension de l'interaction Homme-Plasmodium est la spécificité très étroite d'un Plasmodium donné pour un hôte donné.

Ainsi, parmi une centaine d'espèces plasmodiales, seules quatre peuvent évoluer chez l'homme ; elles sont, à l'inverse, incapables de se développer chez la quasi-totalité des mammifères, oiseaux ou reptiles. Cette étroite adéquation est très contraignante au plan théorique comme au plan pratique.

Au plan théorique : insuffisance des modèles hôte-parasite artificiels. En effet, d'un point de vue clinique et parasitologique, ils se comportent de façon opposée au modèle naturel (l'homme infecté) : ils produisent généralement une parasitémie très élevée, et une maladie aiguë, constamment fatale en l'absence de traitement ; si l'animal survit à cette phase aiguë grâce à un traitement médicamenteux, il développe une immunité solide de réinfection. Chacune de ces caractéristiques est diamétralement opposée à celle des modèles naturels où la cohabitation semi-pacifique est la règle et permet la survie des 2 espèces.

Ainsi les modèles expérimentaux animaux largement utilisés pour l'étude des effecteurs de l'immunité et pour les essais vaccinaux peuvent-ils conduire à des contresens immunologiques graves.

Une immunité... plurielle

Il est d'abord essentiel de réaliser que l'immunité antipaludique n'existe pas.

D'une part, il y a autant d'immunités que de stades parasitaires (par exemple il n'y a aucune immunité croisée entre les stades pré-érythrocytaires et les formes sanguines), d'autre part et surtout il existe, pour chaque stade, une multitude de compromis immunologiques entre le parasite et l'hôte.

Comme souvent, les meilleures évidences sont d'origine clinique.

4.7.3. Nouvelles tendances, nouveaux paris

4.7.3.1. Vaccins multivalents

Sachant les limites de chaque approche vaccinale, le vaccin multivalent comportant plusieurs antigènes du même stade, et/ou des antigènes de différents stades (stades pré-érythrocytaires, formes sanguines, et formes sexuées) apparaît d'abord comme une manière de contourner la difficulté, ou de masquer son ignorance : n'ayant pas la possibilité de choisir raisonnablement entre les différentes stratégies, ni entre les différents antigènes candidats, on les associe. Cette option offre aussi l'avantage potentiel de contourner en partie la question critique du polymorphisme de certains antigènes, et de la restriction génétique de la réponse de l'hôte à certains épitopes. Plusieurs vaccins de ce type ont été élaborés, et sont en phase préclinique ou clinique d'évaluation

Passage précoce à la phase d'étude clinique
Après avoir, pendant des années, constitué l'essentiel des recherches, les modèles animaux ont enfin clairement montré leurs limites. On observe actuellement une tendance à l'excès inverse, et l'on voit des vaccins passer directement de l'expérimentation chez l'animal de laboratoire (souris, lapin), à l'expérimentation chez l'homme. Négliger ces modèles au nom de la stricte spécificité de la relation hôte-parasite, comme le font plusieurs groupes, c'est passer du laxisme à l'intégrisme, et prendre le risque, en travaillant sans filet, d'observer chez les volontaires humains des effets secondaires potentiellement redoutables, compte tenu des multiples incertitudes inhérentes aux différents paris décrits plus haut.

4.7.3.2. Premier vaccin contre le paludisme testé en conditions réelles

Existera-t-il bien tôt un vaccin complet contre le paludisme ? C’est en tout cas ce qu’espère l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui lance une grande campagne en Afrique pour tester un vaccin « dans le contexte d’un usage routinier » et voir quels sont les obstacles logistiques au déploiement.

L’Organisation mondiale de la santé a annoncé, lundi 24 avril 2017, le lancement prochain d’une grande campagne de vaccination pour tester l’efficacité en conditions réelles du premier vaccin contre le paludisme.

L’OMS entend vacciner au moins 360 000 enfants entre 2018 et 2020. Quatre doses du vaccin doivent être inoculées aux enfants, à 5 mois, 6 mois, 7 mois et 2 ans.

Les adultes ne sont pas concernés par cette campagne de vaccination contre le paludisme, maladie aussi appelée malaria.

La campagne sera ciblée sur trois pays : le Kenya, le Ghana et le Malawi.

Le vaccin qui sera testé s’appelle le « Mosquirix », ou RTS, S/ASO1, et cible uniquement les enfants en bas âge. Il est développé depuis les années 1980 par le géant pharmaceutique GlaxoSmithKline (GSK) en partenariat avec l’ONG Path Malaria Vaccine Initiative. Il s’agit du vaccin le plus avancé, et il a reçu en juillet 2015 un avis positif de l’Agence européenne du médicament.

Mais son efficacité est limitée : il ne protège que contre les parasites de type Plasmodium falciparum, la forme la plus répandue, et non contre les autres plasmodiums qui peuvent également transmettre le paludisme. Il permet surtout de réduire de 40 % le nombre d’épisodes paludiques, et ce pendant une période d’au moins quatre ans et demi, selon des tests menés sur 15 000 personnes entre 2009 et 2014. « Ce n’est pas un taux d’efficacité très élevé, mais vu le nombre de personnes touchées par la malaria, l’impact sera quoi qu’il arrive énorme ».

5. Autres moyens de la lutte contre le paludisme

5.1. Moustiquaires traitées aux insecticides

Les moustiquaires traitées aux insecticides (MTI) sont l'un des meilleurs moyens d'empêcher les moustiques de piquer les personnes et de les infecter avec le paludisme. Elles sont simples, sûres et rentables.

5.2. Salubrité de l’environnement

Il faut prendre en compte un aspect important : le milieu de vie des populations qui manque de salubrité. En effet, l’environnement, notamment l’environnement insalubre, est le nid par excellence des moustiques dont la femelle, l’anophèle, est le vecteur du paludisme.

Bien que les épidémies de paludisme soient actuellement rares, un regroupement temporel et spatial des cas peut se produire dans la forêt atlantique.

L'idée que les mécanismes écologiques peuvent influencer la dynamique de la transmission du parasite du paludisme soutient les arguments contre l'occupation humaine des zones naturelles protégées.

La relation entre un déclin de la biodiversité et un risque élevé de maladie à transmission vectorielle pourrait être attribuable à des changements dans l'abondance des hôtes et des vecteurs ou à un comportement modifié de l'hôte, du vecteur ou du parasite.

Pour parvenir à une conservation biologique et éliminer les parasites Plasmodium dans les populations humaines, nous devons prendre en considération les questions de biodiversité.

5.3. Santé Numérique

La santé numérique inclut la conception et l’application d’outils numériques au secteur de la santé et l’étude de l’impact de la technologie numérique sur le cadre légal et les politiques publiques qui régissent notamment le système de santé et sa gestion. Elle inclut notamment le dossier médical électronique, la télésanté, les applications en santé (mHealth), les sciences des données et l’utilisation de l’intelligence artificielle.

Technologie et Innovation
La technologie et l'innovation jouent un rôle-clé dans la lutte contre le paludisme. Des outils divers aident à mieux comprendre la maladie et à la combattre. En effets, es outils de surveillance, ainsi que la modélisation et les données cartographiques du paludisme nous aident à mieux comprendre la maladie et à la combattre.

Superordinateur Eve
Le superordinateur Eve, mis au point par des chercheurs des universités de Manchester, Cambridge (Angleterre) et Aberystwyth (Pays de Galles) a permis de découvrir qu’un antibactérien, le triclosan, permettait de lutter efficacement contre les formes de paludisme résistantes aux médicaments. Ce biocide, présent notamment dans le dentifrice, réduit considérablement le développement du parasite transmis par le moustique. Cette découverte montre que l’utilisation de superordinateurs dans la recherche médicale est déterminante.

Les chercheurs ont découvert que cet antibactérien empêche la propagation d’un type d’enzyme parasitaire du paludisme (DHFR), celui-là même qui permet au parasite de se développer dans le sang. En ciblant un enzyme connu sous le nom d’énoyl réductase (ENR), présent dans le foie, le triclosan aurait un effet décisif dès la phase de développement du parasite. À terme, les souches les plus résistantes aux médicaments pourraient donc être éradiquées, et le paludisme moins difficile à soigner.

Diagnostique par Imageria Biomédicale
Il est de nos jours possible de faire une analyse d'image microscopique, par des logiciels, en vue de détecter la présence des parasites du paludisme et aussi d'identifier le type de Plasmodium. Des tels systèmes offrent plusieurs avantages par rapport à la microscopie conventionnelle. Ils permettent un diagnostic rapide et une surveillance de la résistance aux anti-paludéens.

Références

1. Notre carte mondiale du paludisme, Treated, 2016. En ligne sur: https://fr.treated.com/blog/notre-carte-mondiale-du-paludisme
2. C. Loïzzo, S. Tabarly, Géographie de la santé : espaces et sociétés Espaces et territoires du paludisme, Géoconfluences, 2012. En ligne sur: http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/transv/sante/SanteDoc.htm
3. M.A. Boukhris, Activités larvicides des extraits de plantes sur les larves de moustiques vecteurds de maladies parasitaires, 2009.
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